La story de la semaine
Législatives/Décryptage des programmes ruineux du RN et de la gauche
Business - 1/07/2024

Qu'il semble loin le temps où toute la classe politique s'émouvait de la dégradation de la note de la dette française par l'agence Standard & Poor's. Depuis l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, le 9 juin dernier, les partis ont la tête ailleurs, obligés de peaufiner leur programme en un temps record.

Au lendemain du premier tour des élections législatives, les promesses électorales – au coût parfois faramineux – fusent, reléguant au second plan la question de la dette publique et du sérieux budgétaire, alors même que Bruxelles vient d'engager une procédure pour déficit public excessif à l'encontre de la France. Pour rappel, celui-ci s'établissait à 5,5 % du PIB en 2023, au-delà des 3 % imposés aux Vingt-Sept.

Aux antipodes du spectre politique, le Rassemblement national (RN) et la gauche, unie sous la bannière du Nouveau Front populaire (NFP), affichent des programmes qui risquent d'aggraver encore un peu plus le déficit public, respectivement de 10,9 et de 178,4 milliards d'euros par an à l'horizon 2027 selon la Fondation Ifrap. Une situation que dénoncent de nombreux économistes, à l'image de Xavier Jaravel, qui regrette « l'absence de réalisme budgétaire » des programmes, avec le risque qu'un gouvernement qui les appliquerait en l'état soit rapidement sanctionné par les marchés financiers.

Priorité au pouvoir d'achat

Attendus au tournant, le RN et le NFP tentent de rassurer les milieux économiques. « On ne finance pas le programme par une augmentation des déficits », se défend Éric Coquerel, député sortant LFI et président de la commission des Finances au Parlement, dont le parti remet pourtant en cause le respect des règles budgétaires européennes. Le président du RN, Jordan Bardella, se prévalait, quant à lui, de pro-positions « chiffrées » et « raisonnables » lors d'un exercice de clarification face à la presse qui n'a pas convaincu grand monde.

Il reste que le pouvoir d'achat des Français constitue la priorité pour les deux camps. La gauche entend bloquer immédiatement les prix de biens de première nécessité dans l'alimentation, l'énergie et les carburants, augmenter le salaire minimum à 1 600 euros net, relever le point d'indice des fonctionnaires et revaloriser les APL de 10 %. L'Institut Montaigne chiffre à près de 50 milliards d'euros l'ensemble de ces mesures censées « éteindre le feu social », selon le sénateur socialiste Alexandre Ouizille, mais qui risquent d'entraîner des effets pervers sur l'emploi ou les loyers.

L'Institut Montaigne chiffre à près de 50 milliards d'euros les mesures censées « éteindre le feu social ».

Le RN, de son côté, temporise et renvoie à plus tard bon nombre de mesures jugées trop coûteuses. Si le parti de Marine Le Pen s'engage à réduire immédiatement de 20 % à 5,5 % la TVA sur les produits énergétiques, pour un coût estimé à 17 milliards d'euros, la proposition d'exonération de cotisations patronales pour une entreprise qui augmenterait sa grille salariale d'au moins 10 % jusqu'à trois Smic (90% des salariés concernés !) serait, elle, reportée à l'automne.

Un tel dispositif, jugé irréaliste par le patronat, coûterait 800 millions d'euros en 2025 et jusqu'à 12 milliards d'euros en 2029, d'après l'Institut Montaigne, en plus de générer « d'importants effets d'aubaine puisque les employeurs auraient tout intérêt à en profiter pour effectuer des augmentations qu'ils auraient accordées de toute façon », estime Stéphane Carcillo, chef de la division Emploi et Revenus à l'OCDE.

Financements incomplets

Parmi les autres mesures phares défendues par le NFP, on retrouve pêle-mêle l'abrogation des réformes des retraites (alors que le RN se fait de plus en plus discret sur la question) et de l'assurance-chômage, l'indexation des salaires sur l'inflation, la gratuité intégrale de l'école, etc. Si la gauche veut s'appuyer sur la relance de la demande pour contribuer à financer une partie de ces mesures, elle prévoit également d'augmenter massivement les impôts.

Ambitieuse, celle-ci compte sur le rétablissement de l'impôt sur la fortune (ISF) avec un « volet climatique » pour rapporter 15 milliards d'euros – quand sa version antérieure n'a jamais permis d'engranger plus de 5 ou 6 milliards – en plus d'une taxe sur les « superprofits » au rendement équivalent. Le reste proviendrait en grande partie de la suppression de niches fiscales et de la « flat tax » (un prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les revenus du capital), d'une réforme de l'impôt sur le revenu – passage de cinq à quatorze tranches – et de l'impôt sur l'héritage ; mais aussi de la mise en place d'une CSG progressive.

Pourtant, qu'il s'agisse de Bercy, de la Fondation Jean-Jaurès ou de l'Institut Montaigne, la plupart des organismes spécialistes du chiffrage de la politique économique partagent le même constat : il manque 100 milliards pour qu'un tel programme puisse s'appliquer.

Pour le RN, le problème reste le même : trop de dépenses et des recettes surévaluées. Pour financer leur programme, Marine Le Pen et Jordan Bardella comptent sur la sempiternelle lutte contre « l'immigration de guichet social » qui générerait, selon eux, une quinzaine de milliards d'économie, via la baisse des prestations sociales aux étrangers et la lutte contre la fraude sociale et fiscale, dont ils espèrent tirer un gain équivalent, sans tenir compte des nombreuses difficultés d'application.

En face, les cadeaux aux ménages et aux entreprises se multiplient : une part fiscale pleine dès le deuxième enfant (3 milliards d'euros selon l'Ifrap), retour de la demi-part fiscale des veufs et veuves (1 milliard), suppression de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés pour les jeunes de moins de 30 ans (4 milliards), etc. Bref, RN ou NFP, le réveil risque d'être douloureux pour les finances publiques au matin du 8 juillet prochain.